La chaleur est là, pesante et qui ralentit nos mouvements, compromet nos après-midis s’ils ne sont pas immédiatement liés à un point d’eau, et éteint nos envies d’activités ; à moins de pratiquer la marche longue distance à l’aube, quand la morsure des rayons du soleil pique à peine plus qu’un moustique alors qu’au mitan du jour elle est vipérine, nous n’avons guère l’espoir d’échapper à une insolation. C’est donc dans la matinée que nous avons pris d’assaut le fort de Banne, village en deux parties accroché à un coteau où grandissent des vignes ; une partie dédiée à l’église et à quelques maisons solides, une autre dominée par les ruines de l’ancien château, quadrillage de vieilles pierres qui offre, comme tous les castrums rencontrés jusqu’ici, un panorama exceptionnel sur la plaine calcaire ardéchoise et les montagnes environnantes. Et si du haut du fort il ne reste pas grand chose, les écuries, enfouies dans le ventre de la pierre, sont, elles, particulièrement bien conservées. Aux pieds de cet ancien fort sont blotties des maisons qui datent de temps oubliés, des demeures pourtant habitées pour la plupart, et qui se découvrent dans un labyrinthe de ruelles (très) étroites, pavées et sinueuses.
Un autre labyrinthe nous attendait quelques kilomètres plus loin, dans le bois de Païolive. Le chemin de la Vierge est un parcours fléché de 1500 mètres qu’on effectue en une heure ; un rythme de marche normal, en randonnée, permet une distance de cinq bornes si le terrain n’offre pas de difficultés particulières. Un rapide calcul nous permet ainsi d’évaluer à 18 minutes une balade d’un kilomètre et demi, et non pas une heure.
Le Bois de Païolive est une curiosité ardéchoise qui abrite de nombreuses concrétions de blocs de calcaire déchiquetés, polies par l’érosion et qui, pour certaines, avec une imagination débordante, auraient la forme d’animaux ; c’est vrai d’un caillou de belles dimensions qui, de profil, ressemble à un corbeau -je confesse n’avoir rien trouvé de ressemblant dans les autres blocs que nous avons rencontrés, contournés, escaladés. On déambule dans ce chaos minéral et ludique en suivant des repères peints sur la roche, et l’on se demande quel esprit tordu nous fait parfois passer par des cheminées dont les marches sont usées par des millions de promeneurs et qui, à la force du jarret et en nous aidant parfois des mains, nous hisse vers un nouveau dédale qui désorientent nos boussoles internes. Aussi, certains blocs, qu’ils ressemblent à un caniche nain, un rat musqué ou une moule de bouchot (qu’importe, de près on ne distingue plus que des fissures, des failles et des arêtes), sont tellement attirants qu’on résiste mal à l’envie d’y grimper ; sur l’un d’eux, j’ai retrouvé des réflexes acquis il y a fort longtemps dans les Alpes lors d’un stage d’escalade. J’ai aussi compris que le temps a passé et que ma souplesse d’antan n’est plus qu’un lointain souvenir ; randonner reste alors une activité plus raisonnable.
L’évolution du climat, annoncée avec inquiétude dans les médias et provoquant des réunions ministérielles d’urgence dans des bureaux climatisés, promet un épisode de canicule. Les départements concernés par la teinte orange des cartes de Météo France sont nombreux et nous ont fait hésiter sur le chemin à prendre. A l’heure où j’écris ces lignes, c’est étonnamment au sud que la chaleur sera moins forte ; nous verrons bien : demain le van quitte Les Vans en direction du Gard.